Le 6 mai dernier, l’Institut français du Congo (IFC) a été le théâtre d’une expérience artistique bouleversante avec « Chants des fleuves », une performance signée Ange Kayifa, artiste pluridisciplinaire camerounaise. Entre murmures, silences pesants, chants incantatoires et gestes puissants, elle a emporté le public dans un voyage sensoriel où l’eau, le sel, et la flamme devenaient les messagers d’une mémoire collective et spirituelle.

C’est dans le cadre de la 5e édition des Rencontres internationales de la photographie d’auteur « Kokutan’art » qu’Ange Kayifa, accompagnée de deux performeuses, a transformé l’IFC en un sanctuaire éphémère. Leur lente marche inaugurale, bougies en main, a ouvert une procession rituelle empreinte de sobriété et de puissance. Peu à peu, les sons ont jailli : cris, soupirs, chants… comme des échos venus des profondeurs des fleuves et des âmes oubliées.
Le moment le plus marquant survient lorsque les artistes s’immergent dans des gamelles d’eau, dans un geste à la fois purificateur et revendicatif, frappant ensuite la surface liquide comme pour convoquer les esprits et réveiller une mémoire ancestrale. Le public, captivé, oscille entre stupeur et émerveillement. Pour certains, comme Julia Pemba, cette rencontre fut le fruit du hasard : « Je passais, j’ai vu une foule, et la curiosité m’a emmenée à assister à ce beau spectacle ». Pour d’autres, c’est la confirmation de l’impact singulier de la performance artistique : « C’est de l’art ça. La performance, c’est vraiment une discipline à part entière », souffle un habitué.
Déborah Akouala, admirative, salue la précision du geste : « Ange était exceptionnelle. Chaque mouvement du corps, chaque silence, chaque expression était maîtrisé avec grâce et intensité. » Cette intensité, Ange Kayifa la cultive depuis des années, puisant dans son vécu, dans les luttes sociales, dans les blessures et les espoirs pour créer une œuvre engagée, tant en photographie qu’en performance.
Avec « Chants des fleuves », elle n’a pas seulement livré une performance : elle a incarné une mémoire, une révolte, une poésie. Elle a rappelé, à travers une scénographie minimaliste mais évocatrice, que l’art peut être un cri, une prière, un pont entre les vivants et les invisibles. Fidèle à l’esprit du thème de cette édition de Kokutan’art – « Afrotopiques : Ré-imaginer les possibles » – Ange Kayifa a su ouvrir une brèche vers un monde plus sensible, plus conscient, où l’art nous relie à ce que nous avons de plus essentiel.