La Cour constitutionnelle de la RDC a condamné, le mardi 20 mai, l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo à dix ans de travaux forcés et à cinq ans d’inéligibilité. Elle a également ordonné son arrestation immédiate ainsi que la saisie de ses biens meubles et immeubles, au prorata des fonds détournés. Cette décision intervient dans le cadre du scandale financier lié au projet agro-industriel de Bukanga-Lonzo, qui a englouti près de 246 millions de dollars du Trésor public.

Selon la Haute Cour, Matata Ponyo a été reconnu coupable de deux détournements distincts : 156,8 millions de dollars en complicité avec l’ancien gouverneur de la Banque centrale, Deogratias Mutombo, et 89 millions de dollars avec l’homme d’affaires sud-africain Christo Grobler. Ce dernier a été condamné à l’expulsion définitive du territoire congolais, tandis que Mutombo écope de 5 ans de travaux forcés et d’une inéligibilité postérieure à sa peine.
Une « entreprise criminelle » bien rodée
Le jugement pointe une organisation systémique de détournement, fondée sur des surfacturations abusives, des marchés fictifs et une complicité manifeste entre les prévenus. La Cour a dénoncé la passivité de Matata face aux manœuvres de Grobler, pourtant exonéré de taxes via l’entreprise sud-africaine Africom. Mutombo, quant à lui, aurait facilité les décaissements frauduleux depuis la Banque centrale.
« Une entreprise criminelle », conclut la Cour, qui affirme que les accusés se sont enrichis illicitement en acquérant de nombreux biens désormais confisqués.
Un verdict sous haute tension politique
Initialement prévu pour le 14 mai, le verdict avait été repoussé en raison de la complexité du dossier. L’affaire a provoqué de vifs débats au sein de l’Assemblée nationale, notamment autour de la question de l’immunité parlementaire de Matata Ponyo, aujourd’hui député national. Vital Kamerhe, président de l’Assemblée, a dénoncé une violation de la Constitution, estimant que Matata ne pouvait être jugé sans levée formelle de ses immunités.
Le président de la Cour, Dieudonné Kamuleta, a rétorqué que la procédure avait été engagée depuis la précédente législature, lorsque Matata était encore sénateur. Il a rappelé que les faits incriminés étant antérieurs à son mandat actuel, l’immunité ne pouvait s’appliquer.
Procédure jugée « légale et régulière »
Les juges ont réaffirmé la légalité des poursuites, invoquant les articles pertinents de la Constitution et du Code pénal. La Cour a souligné que l’immunité parlementaire est fonctionnelle et non personnelle : elle protège le mandat, non les actes antérieurs à celui-ci. Le ministère public avait d’ailleurs obtenu l’autorisation de poursuites du Sénat en juillet 2021, validée par la suite.
Ce verdict met fin à un procès fleuve de près de quatre ans, qui aura mis en lumière l’ampleur de la corruption autour du projet Bukanga-Lonzo, devenu symbole d’échec politique et de mal-gouvernance en RDC.

