La candidature de Firmin Edouard Matoko à la direction générale de l’UNESCO aurait pu être une fierté nationale, un tremplin pour le rayonnement du Congo sur la scène internationale. Pourtant, elle semble s’inscrire dans un contexte de réticences et de calculs politiques internes. Alors que son pays aurait dû lui apporter un soutien indéfectible, c’est dans une indifférence manifeste qu’il voit sa candidature avancer, sans appui significatif du pouvoir en place. Le président Denis Sassou Nguesso, absorbé par la préparation de l’élection présidentielle, semble avoir choisi d’ignorer cette opportunité stratégique, laissant Matoko à la merci d’une bataille politique dont il ne contrôle pas les règles.
Un Soutien en Demi-teinte
Alors qu’un engagement franc et officiel de l’État congolais était attendu, Matoko n’a eu droit qu’à une audience de consolation avec Denis Christel Sassou Nguesso, dit « Kiki le Pétrolier », fils du président et figure controversée du régime. Pendant ce temps, Jean-Claude Gakosso, ministre des Affaires étrangères, préfère le silence, ne daignant ni commenter ni intervenir en faveur de cette candidature pourtant déposée sous la bannière du Congo.
Un Contexte Politique Trouble
L’élection à la direction de l’UNESCO est une compétition internationale acharnée. Trois candidats sont en lice : Khaled Amed El-Enany Ali Ezz (Egypte), Gabriela Ilian Ramos Patino (Mexique) et Firmin Edouard Matoko (Congo). Pourtant, dès l’annonce de la candidature congolaise, la presse internationale a été surprise. Le journal Jeune Afrique titrait ainsi : « Succession d’Audrey Azoulay à l’UNESCO : la candidature congolaise va-t-elle rebattre les cartes ? » (24 mars 2025). Jusqu’’à cette date, l’Égypte était convaincue d’avoir le soutien de Brazzaville. Pourtant, par un véritable coup de Jarnac, Sassou Nguesso a présenté Matoko en toute dernière minute, bouleversant les calculs diplomatiques et stratégiques établis.
Une Manœuvre Douteuse ?
L’hypothèse d’un sabordage interne est difficile à écarter. Sassou Nguesso a déjà prouvé son habileté à manier l’art de la manipulation en soutenant des candidatures congolaises uniquement lorsqu’elles servent ses intérêts personnels. Henri Lopes avait ainsi bénéficié d’un appui déterminant lorsqu’il visait la direction de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Mais dans le cas de Matoko, l’enthousiasme est absent.
Pourquoi cette différence de traitement ? Selon certains observateurs, la réponse se trouve dans les clivages ethnopolitiques qui structurent le pouvoir congolais. Matoko, originaire du Sud, ne correspond pas au profil habituellement soutenu par Sassou, dont les préférences vont généralement vers des candidats du Nord, en particulier de l’axe OBOMO (Olombo-Boundji-Oyo-Makoua-Owando). L’ancienneté de Matoko à l’UNESCO et son expérience ne suffisent pas à lui garantir le soutien de son propre gouvernement.
Un Pari Risqué pour le Congo
Le manque de soutien institutionnel congolais pourrait être fatal à Matoko dans cette compétition. En diplomatie, le poids politique d’un candidat est souvent déterminé par l’engagement de son pays d’origine. Or, en ne soutenant pas activement son propre candidat, Brazzaville envoie un signal ambigu à la communauté internationale. Si Matoko venait à échouer, ce serait un échec plus politique que personnel.
Un Talent Incontestable, un Soutien Vacillant
Firmin Edouard Matoko ne manque pourtant pas d’atouts. Comme le souligne L’Horizon Africain, son parcours impressionnant et son capital intellectuel sont de solides arguments en sa faveur. Mais cela suffira-t-il face aux jeux de coulisses internationaux ? La diplomatie congolais joue-t-elle volontairement un double jeu ?
Les semaines à venir seront déterminantes. En l’absence d’un appui clair de son gouvernement, Matoko pourrait voir son ambition se heurter à la réalité d’une politique congolaise marquée par le tribalisme et le calcul personnel. Une nouvelle occasion manquée pour le Congo de s’imposer sur la scène mondiale ? L’avenir nous le dira.