À l’occasion de la Journée de la Libération du Rwanda célébrée à Brazzaville le 4 juillet dernier, l’ambassadeur rwandais Parfait Busabizwa a multiplié les discours flatteurs en vantant les relations bilatérales entre le Rwanda et le Congo-Brazzaville. En présence du ministre congolais des Affaires étrangères Jean-Claude Gakosso, le diplomate a évoqué une coopération « fondée sur la confiance, le respect mutuel et une volonté partagée de progrès ». Pourtant, derrière ce langage diplomatique convenu, se cache une réalité géopolitique bien plus sombre que ne veulent l’admettre nos autorités.
Il faut rappeler un fait fondamental : le Rwanda n’est ni un voisin immédiat du Congo-Brazzaville, ni un partenaire historique. À l’inverse, la République démocratique du Congo (RDC) partage avec nous une frontière terrestre, une histoire, une langue et des peuples. Ce sont nos frères directs. Dès lors, le choix de renforcer des liens avec Kigali alors même que ce régime continue de semer la mort et le chaos à l’Est de la RDC, est perçu par beaucoup comme une trahison géopolitique et morale.
Depuis plus de deux décennies, le Rwanda est accusé, avec des preuves accablantes provenant de l’ONU et d’ONG internationales, d’entretenir des groupes armés à l’Est de la RDC pour piller les ressources minières, notamment le coltan, l’or et le tungstène. Ces minerais, extraits au prix du sang et de la misère des populations congolaises, sont ensuite réexportés illégalement via Kigali, maquillés sous forme de « production nationale », et présentés sur les marchés internationaux, en particulier aux États-Unis, comme des ressources propres à la coopération rwandaise. C’est un mensonge d’État, un hold-up international, un crime contre les peuples.
Dans ce contexte, le discours de « fraternité » prononcé à Brazzaville prend des airs de cynisme. Pourquoi nos dirigeants n’ont-ils pas opposé une réserve face à un État accusé de spoliation, de guerre par procuration et de manipulation diplomatique ? Pourquoi chercher à approfondir des relations avec un pays dont les ambitions régionales sont opaques et, souvent, prédatrices ? L’histoire récente a montré que les alliances tactiques du Rwanda ne sont jamais désintéressées. En feignant la coopération, Kigali prépare le terrain à l’infiltration économique, au pillage et à la captation d’influence dans toute la sous-région.
Le Congo-Brazzaville doit garder à l’esprit qu’un partenariat véritable ne peut se faire avec un voisin qui massacre d’autres voisins. À force de fermer les yeux, on devient complice. À force de sourire dans des cérémonies officielles, on cautionne l’innommable. Le peuple congolais n’a rien à gagner d’un tel rapprochement, si ce n’est d’être associé demain à des pratiques qu’il n’a ni choisies ni cautionnées.
Face à la montée de l’autoritarisme régional, à l’instabilité de l’Est congolais et à la diplomatie agressive du Rwanda, Brazzaville devrait montrer plus de courage et de lucidité. Les vraies alliances se construisent sur la justice, la mémoire, et la solidarité avec les peuples en souffrance. Pas sur des deals opaques avec un État qui a fait du silence diplomatique un outil de domination.