Le climat social est au rouge à la Société Énergie Électrique du Congo (E2C). Jeudi 1er mai 2025, les agents ont bruyamment exprimé leur exaspération à l’égard de leur directeur général, Jean Bruno Adou Danga, qu’ils jugent inapte à diriger cette entreprise stratégique. Le mot d’ordre du jour : son départ immédiat.
« Départ de Jean Bruno Adou Danga », tel était le slogan choisi pour marquer la célébration de la fête du Travail au sein de l’entreprise. Sur une banderole accrochée à l’entrée principale du siège, les griefs des agents étaient sans équivoque : mépris des consommateurs, maltraitance du personnel, soupçons de malversations financières, impayés envers la Centrale Électrique du Congo (CEC), gestion opaque, fournisseurs fictifs et absence de bilan comptable.
Prévue pour descendre dans la rue, l’intersyndicale de l’entreprise a été dissuadée d’organiser une marche en raison de la présence du président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló sur le territoire congolais. Les services de la Centrale d’intelligence et de la documentation (CID) ont calmé les ardeurs syndicales, préférant éviter une mobilisation qui aurait terni l’image du pays.
Sur le terrain, la population de Brazzaville et Pointe-Noire, principales villes du Congo, continue de subir des coupures d’électricité fréquentes, parfois prolongées, qui paralysent les activités économiques, notamment celles des artisans et commerçants. La « lampe tempête » est devenue le symbole du ras-le-bol populaire, largement moqué sur les réseaux sociaux, où humour et sarcasme accompagnent les frustrations quotidiennes.
Le manque d’électricité, aggravé par une pénurie chronique de carburant, oblige les tailleurs à revenir à des méthodes d’un autre temps : les « fers à repasser à charbon » réapparaissent même sur les listes de dot en milieu familial. Ce retour en arrière, à la fois insolite et révélateur, traduit la gravité de la situation.
De son côté, la direction commerciale d’E2C justifie les coupures par une surcharge des transformateurs et les effets secondaires de la mise en service de la troisième turbine de la centrale électrique du Congo, qui a pourtant porté la capacité nationale à 470 mégawatts. Les variations de tension ainsi générées entraînent des coupures imprévisibles. Or, selon les responsables eux-mêmes, il faudrait plusieurs milliards de francs CFA pour réhabiliter l’ensemble du réseau. Pour l’heure, aucun plan d’investissement concret n’a été communiqué.
Dernièrement, un collectif d’abonnés dirigé par Amédé De l’Eau Loemba a tenté d’organiser une marche populaire pour protester contre les nombreuses coupures, les pertes matérielles et la qualité des services fournis par E2C. Les organisateurs ont été brièvement interpellés par la police, la marche ayant été déclarée « non autorisée ».
Au-delà des agents, c’est une partie de la population congolaise qui crie son exaspération. Tous pointent du doigt une direction accusée d’inefficacité, et une entreprise nationale à la dérive, dont les promesses de modernisation tardent désespérément à se concrétiser.