Washington veut tourner la page Sassou, Paris temporise encore.
La relation entre la France et la République du Congo traverse aujourd’hui une zone de turbulence. Si les sourires échangés entre Emmanuel Macron et Denis Sassou Nguesso continuent d’alimenter les apparences, le malaise est palpable. Paris semble empêtrée dans une alliance dont elle ne sait plus comment se défaire, prise entre loyautés anciennes, enjeux géopolitiques et révélations potentiellement dévastatrices.

Une amitié diplomatique devenue embarrassante
Les accolades entre les deux chefs d’État relèvent désormais davantage du rituel diplomatique que d’une véritable affinité politique. Alors que les États-Unis reconfigurent leur stratégie en Afrique centrale – avec un intérêt marqué pour la stabilité de la RDC –, le Congo-Brazzaville apparaît de plus en plus comme un maillon gênant dans la chaîne des alliances françaises.
RDC : révélations et pressions dans l’ombre
Dans cette recomposition géopolitique, Washington pousse pour l’émergence d’un leadership pro-américain à Brazzaville, afin de contenir les tensions dans l’Est congolais et sécuriser ses investissements régionaux. En parallèle, des voix internationales accusent désormais certains régimes africains de collusion avec les rebelles du M23, alliés du Rwanda. Brazzaville n’échappe pas aux soupçons : ventes d’armes, aides logistiques… le régime de Sassou Nguesso est pointé du doigt comme complice indirect du drame sécuritaire en RDC.
Paris paralysée par ses propres compromissions
Pour la France, rompre brutalement avec le régime congolais représenterait un risque majeur. Le président Sassou Nguesso, véritable mémoire vivante de la Françafrique, pourrait révéler des pans entiers de l’histoire secrète des relations franco-africaines : réseaux parallèles, financements occultes, collusions politiques. Une rupture serait aussi une mise en lumière des compromissions historiques de Paris dans la région.
La diaspora congolaise, entre mobilisation et dénonciation
À cela s’ajoute la pression constante de la diaspora congolaise en France. Active, organisée et omniprésente dans les médias sociaux comme dans les rues parisiennes, elle fustige sans relâche la complicité française avec un régime autoritaire, corrompu et répressif. Un discours de plus en plus audible, y compris dans l’opinion publique française.
L’affaire Françoise Joly : le scandale de trop ?
Le 12 avril 2023, l’arrestation surprise de Françoise Joly – proche collaboratrice de Sassou Nguesso et citoyenne française – a jeté un pavé dans la mare. Lors de la perquisition à son domicile parisien : 70 000 euros en liquide, un ordre d’achat d’armes signé par le président congolais, et des documents sensibles concernant l’acquisition d’un jet Falcon 8X auprès de Dassault. Placée en garde à vue, Joly oppose un mutisme stratégique. Mais un autre protagoniste, Julio Martin, était discrètement surveillé par la justice française, révélant ainsi de précieuses informations. Ce scandale éclaire d’un jour nouveau les ramifications financières et politiques du régime congolais en France.
Antoinette Sassou et les « biens mal acquis »
Parallèlement, l’enquête visant Antoinette Sassou Nguesso dans le cadre de l’affaire des biens mal acquis illustre la ligne étroite suivie par Paris : affirmer son attachement à la justice, sans provoquer de rupture diplomatique brutale. La prudence prévaut, même lorsque les preuves s’accumulent.
Une rupture redoutée, mais inévitable ?
Le silence de l’exécutif français devient assourdissant. Car Denis Sassou Nguesso, fort de ses quarante ans de règne, connaît intimement une grande partie de la classe politique française, de gauche comme de droite. Nombreux sont ceux qui ont été reçus à Oyo, et dont les secrets sont peut-être aujourd’hui entre les mains d’un homme vieillissant, mais encore redouté.
Conclusion : L’épreuve de vérité
La France clame vouloir tourner la page de la Françafrique, mais reste prisonnière d’un système qu’elle a elle-même nourri. L’affaire Françoise Joly, l’activisme de la diaspora et les bouleversements géopolitiques en Afrique centrale forcent Paris à reconsidérer ses alliances. Mais tant que Denis Sassou Nguesso détiendra les clés d’un passé compromettant, il restera un partenaire gênant… mais trop précieux pour être abandonné.