Dans un retournement spectaculaire, le Rwanda a officiellement rejoint les voix africaines condamnant la prise de pouvoir du groupe rebelle M23 en République démocratique du Congo (RDC). Cette déclaration inattendue a été faite lors d’un sommet de haut niveau sur la paix et la sécurité, tenu à Entebbe, en Ouganda, sous l’égide du Mécanisme régional de surveillance de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération dans la région des Grands Lacs.
Une déclaration choc venue de Kigali
Le Rwanda, représenté par James Kabarebe, haut conseiller présidentiel et ex-général influent, a publiquement condamné l’« administration parallèle » mise en place par le M23 sur les territoires congolais. Ce geste marque une rupture symbolique et politique majeure pour Kigali, longtemps accusé par la communauté internationale – et notamment par les Nations unies – de soutenir en coulisses le mouvement rebelle, au nom de la défense de la minorité tutsie en RDC.
Une participation régionale de haut niveau
Le sommet a rassemblé les représentants de douze pays africains, dont les présidents ou ministres des Affaires étrangères du Burundi, de l’Angola, du Kenya, de la Tanzanie, de l’Afrique du Sud, du Soudan du Sud et bien sûr de l’Ouganda, pays hôte. La RDC était représentée par Thérèse Kayikwamba, ministre des Affaires étrangères. Tous ont adopté une position commune : condamner le M23 et ses soutiens extérieurs – une allusion transparente au Rwanda.
Une volte-face inédite de Kagame
Cette condamnation marque le premier désaveu public du Rwanda à l’égard du M23. Un revirement majeur, alors que le président Paul Kagame lui-même avait longtemps défendu les actions du groupe, déclarant notamment :
« Je ne comprends pas pourquoi quiconque serait contre le M23. »
Mais face à la pression diplomatique croissante et à l’isolement international, Kigali semble revoir sa stratégie.
Méfiance des analystes
Malgré cette déclaration, des observateurs demeurent prudents. Le professeur Jason Stearns, politologue et expert de la région, a confié à la BBC :
« Il est trop tôt pour dire si ce revirement est sincère. En privé, le Rwanda continue d’entretenir des liens avec le M23, notamment dans ses échanges avec certains partenaires internationaux. »
L’ONU et la ligne rouge
Le sommet a soutenu la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui appelle explicitement :
- Le M23 à cesser toutes attaques et à se retirer immédiatement des territoires congolais ;
- Le Rwanda à cesser toute forme de soutien militaire et logistique au mouvement ;
- Le retrait inconditionnel des troupes rwandaises de la RDC.
Pour l’heure, le M23 n’a émis aucune réaction officielle.
Kabila de retour, la tension remonte à Goma
Ce sommet intervient quelques jours après le retour très médiatisé à Goma de l’ex-président Joseph Kabila, récemment privé de son immunité sénatoriale. Soupçonné de liens avec le M23, il a vivement critiqué le régime actuel de Félix Tshisekedi, le qualifiant de « dictatorial » et appelant à un retour à « une démocratie réelle ». Sa présence ravive les tensions dans une région déjà en ébullition.
Zéro tolérance pour les groupes armés
Le sommet a également élargi sa condamnation à toutes les milices actives dans la région, notamment :
- Les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda),
- La CODECO,
- Les ADF (Forces démocratiques alliées),
- La RED-Tabara,
…exigeant leur désarmement immédiat. Les chefs d’État ont insisté :
« Aucun pays ne devrait accueillir ni protéger des criminels de guerre ou des génocidaires. »
Un message fort : sans paix, pas de développement
Le mot d’ordre des participants était clair : la paix n’est pas négociable. Sans elle, aucune croissance économique, ni intégration régionale, ni stabilité durable ne seront possibles.
Et maintenant ?
Les dirigeants ont prévu une prochaine réunion en 2026, afin d’évaluer les progrès accomplis. Un rappel ferme a été adressé à tous les États signataires :
« La paix durable ne pourra être atteinte sans la reddition des comptes et le désarmement total des groupes rebelles, y compris ceux soutenus de l’extérieur. »