Lancé en grande pompe en novembre 2021 dans le département des Plateaux, le projet Batéké Carbon Sink (BaCaSi) porté par la multinationale française TotalEnergies est aujourd’hui à l’arrêt, après moins de quatre années d’activité. Selon plusieurs sources médiatiques, seuls 12 % des 40 000 hectares prévus ont été plantés. Le personnel étranger chargé de la mise en œuvre du projet aurait déjà quitté le site, et la compagnie n’a émis aucune déclaration officielle sur la suspension des opérations, ni sur les orientations futures du programme.
Ce projet, unique en son genre en Afrique, constituait la seule plantation industrielle d’arbres financée par TotalEnergies sur le continent dans le cadre de sa stratégie de compensation carbone. Le BaCaSi visait à séquestrer environ 500 000 tonnes de CO₂ par an pendant vingt ans, sur une durée totale de trente ans. Sur les 40 000 hectares, 38 000 étaient destinés à devenir des puits de carbone, tandis que 2 000 hectares devaient accueillir des activités agroforestières. L’ambition affichée était double : lutter contre le changement climatique tout en contribuant au développement économique local.
Appuyé par le gouvernement congolais, le projet s’inscrivait dans la réserve naturelle de la Léfini, avec un budget estimé à 250 millions de dollars (environ 150 milliards de FCFA). Il représentait pour TotalEnergies une brique essentielle dans son engagement vers la neutralité carbone à l’horizon 2050, articulé autour de trois piliers : éviter, réduire et compenser les émissions de gaz à effet de serre.
Cependant, dès son lancement, le projet BaCaSi avait soulevé de nombreuses critiques de la part de journalistes, d’organisations de défense des droits humains et d’activistes environnementaux. Ces derniers dénonçaient un manque de respect du principe du consentement libre, informé et préalable des communautés locales. Des doutes persistants entouraient aussi le choix écologique du site : la région des Plateaux Batéké, peu étudiée sur les plans floristique et faunique, pourrait subir de lourdes conséquences écologiques à long terme.
L’utilisation massive de l’Acacia mangium, une espèce exotique à croissance rapide mais réputée invasive, a renforcé ces inquiétudes. Cette essence, introduite pour son rendement, est connue pour sa capacité à appauvrir la biodiversité, à modifier la composition chimique des sols et à émettre des substances nuisibles à la flore locale.
Aujourd’hui, l’arrêt brutal du projet BaCaSi soulève de nombreuses interrogations : s’agit-il d’un abandon définitif ou d’une simple suspension ? Le silence de TotalEnergies laisse planer l’incertitude. Pour les communautés locales et les observateurs internationaux, le projet est devenu un cas d’école sur les limites des mécanismes de compensation carbone portés par les grandes entreprises dans les pays du Sud.