Le ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie Numérique, Léon Juste Ibombo, a récemment été auditionné par la Commission Écofin du Sénat. L’objet : la ratification du contrat de financement du Projet d’Accélération de la Transformation Numérique (PATN), signé entre la République du Congo et la Banque Européenne d’Investissement (BEI), ainsi que la convention de subvention à l’investissement liée à ce projet.
Ce financement, qui se chiffre en dizaines de millions d’euros, vise à impulser une modernisation numérique du pays, dans un contexte où le Congo reste fortement à la traîne sur tous les indicateurs numériques mondiaux. Sur le papier, l’ambition est louable : connecter les populations rurales, moderniser l’administration, sécuriser les données, et développer les infrastructures numériques.
Mais le scepticisme est de mise.
Une gestion opaque et sans résultats visibles jusque-là
Depuis son arrivée au ministère, Léon Juste Ibombo a multiplié les annonces, les conventions, les forums et les promesses. Pourtant, les résultats tangibles se font attendre. La connectivité demeure médiocre, le coût d’Internet exorbitant, les équipements obsolètes, et le fossé numérique se creuse. Beaucoup s’interrogent : est-ce que ce financement changera vraiment les choses, ou s’ajoutera-t-il simplement à la longue liste des projets inefficaces et des budgets engloutis sans impact ?
Des garanties floues pour un projet aussi stratégique
La question centrale reste : comment cet argent sera-t-il utilisé concrètement ?
Quels sont les mécanismes prévus pour garantir la transparence, éviter les détournements, et lutter contre la corruption ? La Commission Écofin n’a pas encore rendu public de plan détaillé d’exécution. Aucun comité indépendant de suivi, aucune plateforme publique de traçabilité des dépenses, aucun calendrier de mise en œuvre précis n’ont été communiqués. Et surtout, aucune information claire sur les acteurs exécutants du projet.
Va-t-on reconduire les mêmes prestataires, les mêmes méthodes, les mêmes échecs ? Ou bien le ministre compte-t-il changer de cap, rendre des comptes et imposer une rupture avec la gestion hasardeuse qui a prévalu jusqu’ici ?
Des questions qui dérangent, mais qui doivent être posées
Ce projet de transformation numérique, censé représenter un tournant décisif pour le développement du Congo, risque de tourner à une nouvelle mascarade technocratique si aucune réforme structurelle n’accompagne l’arrivée des fonds.
L’opinion publique demande aujourd’hui :
- Une publication détaillée du plan d’action ;
- Des audits externes réguliers ;
- Un comité de pilotage indépendant, composé de représentants de la société civile, de la Cour des comptes et des partenaires techniques ;
- Et surtout, un changement profond dans la méthode de gouvernance ministérielle.
Car injecter des millions dans un ministère dirigé par les mêmes acteurs, avec les mêmes méthodes, sans résultats probants, c’est tout simplement jeter l’argent par les fenêtres.
À quoi bon une « transformation numérique » si les bénéficiaires finaux les citoyens restent hors ligne, désinformés et méfiants ? Sans réforme de fond, sans transparence, et sans rupture claire avec les vieilles pratiques de détournement, ce projet risque de n’être qu’un habillage cosmétique pour séduire les bailleurs, pendant que le peuple congolais continue à subir l’exclusion numérique et la pauvreté informationnelle.







